Bernadette Malgorn | Le blog personnel

Bernadette Malgorn remet la Légion d’Honneur à Yves Calonnec

C’est en présence de sa famille, de ses amis et anciens combattant et des présidents des associations patriotiques qu’Yves Calonnec s’est vu remettre ce lundi 13 juillet 2015 les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur pour son engagement dans les Forces Française Libres, par Bernadette Malgorn, Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre National du Mérite.

Cérémonie de remise des insignes de chevalier de la Légion d’Honneur à Monsieur Yves CALONNEC

BREST, le lundi 13 juillet 2015

Allocution de Bernadette MALGORN

 

La lecture du journal officiel de la République française en date du 9 novembre 2014 nous apprend qu’un décret particulier du Président de la République a décidé d’une promotion spéciale de la Légion d’Honneur pour le 70ème anniversaire des débarquements et de la Libération. Parmi les nouveaux chevaliers : Calonnec (Yves, Léon, Marie), soldat de première classe.

En ce 9 novembre 2014, que commémorions-nous sinon le 44ème anniversaire de la mort du général de Gaulle ? Le plus grand des Français, celui à l’appel de qui Yves Calonnec répondit dès le 20 juin 1940. Il y a 75 ans.

Il n’avait pas encore 18 ans. Il travaillait déjà comme chef d’équipe sur le cuirassé Richelieu à l’arsenal de Brest. Et le 18 juin, la direction de l’arsenal évacue tous les ouvriers du chantier car le bateau était censé appareiller.

Quel destin que celui du Richelieu qui illustre moins son éponyme Cardinal que les tergiversations de la politique de défense de la France entre les deux guerres ! Que n’avait-on écouté le célèbre adage du Premier Ministre de Louis XIII définissant la politique comme « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ».

Alors que Mussolini lance le programme des cuirassés Littorio et Hitler les Scharnhorst tout en négociant avec les Britanniques ce qui deviendra le 18 juin 1935 le traité naval germano-britannique, le Richelieu est mis sur cale au bassin du Salou en octobre 1935.

En juin 1940, le Richelieu est encore en phase d’essais. L’aviation allemande a bombardé le port militaire de Brest et essayé de l’atteindre, sans y parvenir.

Le 15 juin 1940, le Richelieu avait rendu les honneurs au général de Gaulle, alors sous-secrétaire d’Etat à la guerre dans le gouvernement de Paul Raynaud, alors qu’à bord du contre-torpilleur Milan il quittait la rade de Brest pour Plymouth afin de rencontrer à Londres le Premier Ministre Winston Churchill et aussi mettre tout ce qu’il pouvait de nos moyens militaires en Grande –Bretagne plutôt que de les laisser à la disposition de l’Allemagne. Ce ne fut pas le choix que fit ensuite le Richelieu.

Yves Calonnec qui est né à Guipronvel le 3 novembre 1922, est le benjamin d’une famille de neuf enfants. En juin 1940, il demeurait chez une de ses sœurs à Brest tandis que sa mère habitait à Argenton, en Landunvez.

Le 19 juin, il prend son vélo pour aller voir sa mère : 30 kilomètres.

Sa mère lui dit aussitôt : « Yves, ici tous les jeunes s’en vont ! »

Pour Yves, il n’y a pas à tergiverser.

Il retourne aussitôt à Brest prendre ses effets et dire au revoir à sa sœur : encore 30 kilomètres. Et il revient aussitôt à Argenton : 90 kilomètres dans sa journée du 19 juin 1940.

Le lendemain, jeudi 20 juin 1940, il embarque sur un bateau de pêche. Direction le port de Lampaul à Ouessant. Mais le bateau n’a pas assez de carburant pour faire le grand tour de l’île. Il débarque au Stiff : encore 4 kilomètres à pied cette fois-ci pour rejoindre le port de Lampaul.

Il y a foule sur les quais. Il faut savoir que l’île d’Ouessant était un des points de regroupement de ceux qui voulaient partir pour l’Angleterre. La veille, le mercredi 19 juin, l’Ar Zenith qui fait le transport de voyageurs entre l’île de Sein et Audierne, a rallié Ouessant et de là fait route vers Plymouth, chargé de militaires et de civils. Un autre contingent de Sénans et de gens du cap Sizun partent sur la Velléda.

Pour Yves Calonnec et tous ceux qui étaient là venant de la côte Nord du Finistère, il n’y a plus qu’un chalutier belge, le Rascal. Il est en fer. Tous les candidats à la traversée pour l’Angleterre refusent de monter à bord par crainte des mines magnétiques.

Yves Calonnec s’écrie : « Mine ou pas mine, moi, je monte à bord ! »

Et tous finissent par le suivre et ils font une traversée sans histoire jusqu’à Plymouth. Il est d’abord orienté dans un camp au Pays de Galles n’ayant pas encore 18 ans. Puis en novembre, il signe son engagement dans les Forces Françaises Libres, au camp de Camberley, près de Sandhurst, le Saint-Cyr britannique.

Il commence sa formation militaire en vue de participer au débarquement en Afrique du Nord, mais un très grave accident l’empêchera d’y participer. Paradoxalement, cet accident qui a failli lui coûter la vie, la lui a peut-être sauvée.

A son retour en France, Yves Calonnec, qui a une formation d’électricien, devient ouvrier horloger-bijoutier. Il se marie avec une marchande de jouets. A la Tour d’Auvergne est une institution brestoise. C’est ainsi que Michel est venu au monde et rejoindra pour les municipales de 2014 notre vaillante équipe.

Calonnec, n’est-ce pas un nom prédestiné ? Bien sûr Kalon, c’est le cœur ; et les Calonnec n’en manquent pas. Mais c’est aussi le courage, la vaillance. Et Yves en a montré l’exemple en juin 1940.

Le général de Gaulle passant en revue les premiers Français Libres s’était exclamé : « Mais l’île de Sein, c’est donc le quart de la France ». Il aurait pu constater quelques temps après que la Bretagne, c’était 20% des 51 810 Français  Libres.

Seul à Londres, le général prend la décision : « Devant le vide effrayant du renoncement général, ma mission m’apparut, d’un seul coup, claire et terrible. En ce moment, le pire de son histoire, c’était à moi d’assumer la France. »

« Mais, ajoutait-il, il n’y a pas de France sans épée. »

Et c’étaient des garçons comme Yves Calonnec et ses camarades qui allaient constituer cette force de combat et cette force morale dont le soutien permit au général de poursuivre sa mission.

«  Jour après jour, le ralliement de ces garçons resplendissant d’ardeur et dont beaucoup, pour nous rejoindre, avaient accompli des exploits, affermissait notre résolution. »

Ce sont ces exploits que 75 ans après la République vient reconnaître par cette nomination dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.

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Yves CALONNEC,

Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur.