Bernadette Malgorn | Le blog personnel

QUELLE BRETAGNE DANS UN MONDE OUVERT ?

PARTIE 5

Le monde entier s’en mêle

Cet accès immédiat à l’information devenu possible pour tous et presque en tout point du globe semble remettre en cause la capacité de nos puissances publiques régionales – qu’il s’agisse de la Nation, de l’Europe ou de nos régions – à agir sur les hommes et les choses. Là encore, Paul Valéry avait été visionnaire dans son intuition que « rien ne se ferait plus que le monde entier ne s’en mêle »

Quelle rupture avec nos administrations de l’Ancien Régime ou de la Révolution ! Le fief, hier, le département à sa création, étaient fondés sur une capacité de contrôle et d’organisation de populations et de territoires d’ordre d’abord matériel. Cela n’excluait pas une dimension d’un autre ordre, qu’il s’agisse de l’allégeance seigneuriale ou d’un commun attachement aux valeurs de la République.

Mais le département a vu son tracé établi de telle sorte qu’en une journée la bonne parole du pouvoir central puisse arriver jusqu’aux limites de chaque territoire.

Il y a quelques années encore, la légitimité du préfet tenait en partie au fait de recevoir les instructions du ministère et de savoir dire comment les appliquer. Nous avons connu une révolution complète. Tout citoyen peut suivre en direct les débats au Parlement, le compte rendu du Conseil des ministres, et même les télégrammes diplomatiques ou les pièces d’une instruction judiciaire tombent rapidement dans le domaine public.

La mondialisation et la construction européenne ont apporté dans la sphère publique des notions relativement étrangères à notre culture juridique. La construction européenne, qui inspire l’essentiel des normes applicables chez nous, a introduit une forte dose de procéduralisation. On suppose que si toutes les étapes d’une procédure applicable pour atteindre un objectif ont été réalisées correctement, le résultat devrait être au rendez-vous. S’y ajoute une tendance à la judiciarisation, nos contemporains ayant une propension à faire valoir leurs droits face à des pouvoirs publics dont on attend beaucoup, tout en mettant en cause leur autorité. Leur capacité d’action s’en est trouvée affaiblie voire jugée illégitime. Observons dans le langage courant comment une décision discrétionnaire est facilement qualifiée d’arbitraire ou d’oukase !

MALGORN Bernadette, « Quelle Bretagne dans un monde ouvert ? », in Association Bretonne 2014, Nantes 141e Congrès, Tome CXXIII, pp 217-232, Atelier Liv’Edition, 2014