Bernadette Malgorn | Le blog personnel

QUELLE BRETAGNE DANS UN MONDE OUVERT ?

partie 6

Où sont les responsables ?

C’est aussi ce qui peut donner aux citoyens le sentiment qu’ils n’ont pas d’interlocuteurs responsables. Dans le système de représentation politique national, une crise sectorielle ou territoriale, un malaise social, des difficultés économiques, pouvaient être portés à la connaissance des autorités de façon assez directe par délégations, pétitions, manifestations. Le destinataire premier de la supplique ou de la menace, préfet, député ou autre responsable, avait un accès aisé aux autorités ministérielles qui pouvaient en général traiter la question assez rapidement. Aujourd’hui les citoyens sont face à une nébuleuse de pouvoirs dont les champs de compétence ne peuvent toujours être aisément distingués à l’œil nu : État et collectivités territoriales bien sûr, mais aussi des opérateurs, des autorités administratives indépendantes, et en surplomb de tout cela : Bruxelles, ce mot recouvrant à son tour un foisonnement d’institutions.

Flou sur les responsables, flou aussi sur le droit qui est devenu « mou » : on a importé la notion de « soft law ». Cela se traduit sous deux formes. Tout d’abord ce que l’on a pu appeler le droit gazeux, qui a la caractéristique de se dilater tant qu’il ne rencontre pas de limite. C’est la loi bavarde, la prolifération réglementaire qui fait que plus personne ne peut humainement satisfaire à l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » ! C’est aussi la loi qui s’écarte de son objet initial qui était d’autoriser, d’interdire ou de sanctionner et qui va maintenant donner du lustre à une réalité qui n’en demandait pas autant. Par exemple, la reconnaissance par la nation de l’identité de la montagne. On peut traiter de la même manière le littoral, la ville, le paysage, l’air, l’eau… dans la plus grande confusion.

Une deuxième forme de ce droit mou, ce sont ces normes émanant de multiples sources publiques ou privées, souvent internationales. L’exemple le plus remarquable est celui des agences de notation qui se sont vu reconnaître par les États eux-mêmes le pouvoir de les mettre à genoux, dans la mesure où ils ont besoin des marchés financiers pour souscrire un endettement croissant.

Ce foisonnement de normes s’est accompagné d’une multiplication d’autorités qui laisse le citoyen étourdi et alimente le sentiment qu’il peut nourrir de l’impuissance des instances démocratiques quel que soit leur niveau géographique. Pourquoi alors aller voter ?

MALGORN Bernadette, « Quelle Bretagne dans un monde ouvert ? », in Association Bretonne 2014, Nantes 141e Congrès, Tome CXXIII, pp 217-232, Atelier Liv’Edition, 2014