Bernadette Malgorn | Le blog personnel

QUELLE BRETAGNE DANS UN MONDE OUVERT ?

partie 7

Régionalistes ou départementalistes

Le sentiment d’une pléthore d’échelons politiques aux responsabilités confuses n’a pas échappé aux pouvoirs publics. L’abstentionnisme croissant, y compris aux élections municipales jusqu’à présent épargnées par ce phénomène, révèle une certaine crise du civisme. Mais on ne peut pas dire que la vie du citoyen soit facilitée.

Le législateur, et même le constituant, ne sont pas restés inactifs. Depuis trente ans, l’administration territoriale a connu de nombreuses réformes. Dans la sphère des collectivités locales, ce furent les actes successifs de décentralisation : en 1982, l’acte I de Gaston Deferre ; en 2003, l’acte II de Jean-Pierre Raffarin. Et en 2012, on nous a annoncé un acte III avec Marylise Lebranchu, qualification qui a ensuite été retirée au paquet mouvant des lois territoriales.

L’organisation des services territoriaux de l’État reposait encore en 2007 pour l’essentiel sur des services départementaux et régionaux de l’État créés dans les années soixante et soixante-dix. Leur coordination ou leur direction par les préfets avait été précisée par les décrets de 1982 puis la loi de 1992 sur l’administration territoriale de la République. C’est alors que, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, fut lancée la réforme de l’administration territoriale de l’État, la Réate, dont je fus rapporteure générale en tant que secrétaire générale du ministère de l’Intérieur jusqu’en février 2009.

La construction européenne, la décentralisation, l’administration électronique, mais aussi l’existence dans notre pays d’une fracture d’une partie de la population par rapport à la marche de la société, imposaient une évolution de nos administrations. La RGPP devait revoir, dans leurs fondements, l’ensemble des politiques publiques, qu’elles soient portées par l’État, les collectivités locales ou les organismes de sécurité sociale. L’exercice démarra rondement, appuyé du sommet de l’État par des arbitrages de l’Élysée et Matignon très encourageants pour les esprits réformateurs. L’éclatement de la crise financière monopolisa l’attention de nos hautes autorités et la réforme s’éloigna de son ambition initiale.

Elle fut une nouvelle fois l’expression de la confrontation des régionalistes et des départementalistes, les seconds étant par construction plus nombreux que les premiers. J’étais donc minoritaire. Dans la sphère de l’État, j’ai défendu l’idée que la région devait être le niveau ordinaire de territorialisation des politiques publiques et que c’est à ce niveau que les ministères devaient trouver leurs prolongements dans des directions régionales correspondant aux grandes fonctions de l’État. Je n’ai pas milité pour la suppression des préfectures de département mais pour placer les préfets de département sous l’autorité des préfets de région, ce qui a été fait. Pour moi, au niveau départemental, l’administration de l’État devait être concentrée sur des responsabilités transversales liées à l’ordre public et à l’ordre social qui ne se traitent pas bien de loin. Je préconisais aussi de réunir à ce niveau toutes les procédures de consultation des citoyens à l’exception de celles relevant de la commission nationale du débat public. Cette appréciation dans la proximité de l’utilité publique me paraît d’autant plus nécessaire que la notion de développement durable a eu tendance à recouvrir de nombreux aspects de la vie. C’est la fonction protectrice de l’État qui s’est finalement quelque peu retrouvée dans les directions interministérielles départementales respectivement des territoires et des populations.

Du côté des collectivités locales, le législateur a fait progresser l’idée de convergence entre niveau départemental et régional en remplaçant les conseillers généraux et régionaux par un même conseiller territorial qui siègerait à la fois au département et à la région. Cet aspect le plus novateur de la loi du 16 décembre 2010 a été supprimé par le nouveau pouvoir issu des élections de 2012.

MALGORN Bernadette, « Quelle Bretagne dans un monde ouvert ? », in Association Bretonne 2014, Nantes 141e Congrès, Tome CXXIII, pp 217-232, Atelier Liv’Edition, 2014