Bernadette Malgorn | Le blog personnel

QUELLE BRETAGNE DANS UN MONDE OUVERT ?

partie 8

Le feuilleton du mécano régional

Le dernier épisode du feuilleton, dernier en date à ce jour mais sans doute pas l’ultime, c’est le « big-bang » annoncé par le président de la République le 3 juin 2014 par une tribune dans la presse quotidienne régionale. A 17 h30, on annonce la fusion entre les régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes. A 20 heures, une réunion est convoquée d’urgence à l’Élysée. A 21 h30, une nouvelle carte sort du chapeau.

J’ai récusé l’idée d’une taille « européenne ». Avec près de deux millions et demi d’habitants (2, 38 millions), la population moyenne des régions françaises est supérieure à la moyenne des 319 collectivités de niveau comparable de l’Union européenne qui se situe autour de deux millions d’habitants. C’est l’Allemagne qui fait figure d’exception avec une moyenne de population de 5,2 millions d’habitants par Land ; mais cela cache une dispersion importante qui laisse bien des Länder derrière les régions françaises, comme j’ai pu le constater lorsque, préfète de la région Lorraine, je participais à la coopération transfrontalière dans l’espace Sar-Lor-Lux. À noter d’ailleurs que l’une des parties à cette coopération est un État souverain, le Grand-duché de Luxembourg, qui, avec moins de 600 000 habitants, a la dimension plutôt d’un département que d’une région française.

L’Union européenne a admis, dès son origine, et encore dans ses élargissements les plus récents, des mini-États auxquels nos régions françaises n’ont rien à envier en puissance démographique. Quant à la superficie, nos régions sont, avec les Länder allemands et les comtés suédois, les plus étendues après les espagnoles. On ne peut pas reprocher aux régions françaises de ne pas être européennes. Et au nom de quoi leur assignerait-on le format bavarois ou nord-rhénan ?

Pas d’économies à attendre mais, puisqu’une nouvelle ouverture se fait pour une recomposition territoriale, pourquoi organiser des mariages forcés et ignorer les rapprochements correspondant à des aspirations exprimées de longue date? Je pense évidemment à la réconciliation de la Bretagne administrative et de la Bretagne historique.

Au moment de lancer une réforme qui aura un coût – tout changement a un coût – où sont les études d’impact, où sont les évaluations des bénéfices attendus ? La DATAR, ou ce qui en tient lieu aujourd’hui, regorge d’études et de scénarios.

L’Express a exploité ces données et proposé sept grandes régions autour des plus grandes métropoles. Si je n’adhère pas à ce schéma qui relève d’une approche trop technique, j’en partage une partie des prémices : la France est devenue urbaine et nous n’en avons pas encore tiré les conséquences sur le plan administratif.

L’Express présente des scénarios alternatifs selon que l’on préfèrera des régions plus grandes, ou plus peuplées, des régions dotées d’une métropole ou culturellement homogènes, ou encore des régions qui communiquent entre elles.

Si l’on veut diviser la France en créant des régions anthropologiquement homogènes, on peut également se tourner vers Emmanuel Todd qui fait le lien entre les structures familiales de l’Ancien Régime et les comportements actuels, notamment lors des élections. On pourrait aussi se référer au climat, aux toitures ou aux fleuves.

Tant qu’à ouvrir le chantier, pourquoi se limiter à des fusions de régions et ne pas permettre à des départements, voire des territoires infradépartementaux, de changer de rattachement, en une véritable recomposition territoriale.

On trouve peu de traces de telles réflexions dans la carte présidentielle.

Mais au-delà, il faut aussi vouloir travailler ensemble autour d’un projet mobilisateur tourné vers l’avenir. C’est pourquoi le recours au referendum ne me semble absolument pas incongru mais bien plutôt de nature à donner une légitimité démocratique et populaire à un projet qui peut autrement apparaître technocratique ou politicien.

MALGORN Bernadette, « Quelle Bretagne dans un monde ouvert ? », in Association Bretonne 2014, Nantes 141e Congrès, Tome CXXIII, pp 217-232, Atelier Liv’Edition, 2014