Bernadette Malgorn | Le blog personnel

Interview de Bernadette MALGORN par l’Association des Anciens élèves de l’ENA

bernadette-malgornA l’occasion des 70 ans de l’ENA, l’Association des anciens élèves de l’ENA a interviewé Bernadette MALGORN, diplômée de l’école en 1973.

Si vous voulez la croiser, nous vous conseillons la rue Cambon où elle travaille, le TGV Paris – Brest qu’elle emprunte régulièrement ou encore les chemins de douaniers bretons où elle randonne dès qu’elle le peut. Bretonne et philhellène, Bernadette Malgorn a sillonné le pays durant sa carrière préfectorale. Aujourd’hui magistrat à la Cour des comptes, elle accomplit également d’autres missions – dont celles de conseillère municipale de Brest et de conseillère de Brest Métropole. Vous pouvez suivre ses activités et prises de position sur son blog www.bernadette-malgorn.fr.
Rencontre avec une ancienne élève qui n’arrête pas !

Qu’aviez-vous à l’esprit en commençant vos études ?

« Je n’avais pas de projet particulier. La tradition familiale m’aurait plutôt poussée vers les grandes écoles militaires. Mais à l’époque où j’aurais pu les préparer, elles étaient encore fermées aux femmes. J’ai suivi plusieurs formations : sciences économiques, histoire-géographie et informatique. Mais mon orientation principale, c’était l’économie et les finances. Les banques recrutaient beaucoup,   mais les femmes, même à Bac+4, n’accédaient pas au statut de cadre dès l’embauche. Cela aurait suffi à me détourner de la banque ! Mais bien qu’intéressée par la finance, je n’étais pas assez motivée pour vouloir gagner de l’argent. J’avais clairement la fibre du service public. »

Aviez-vous un plan B ?

« Pas vraiment. J’aurais sans doute intégré l’administration à un autre niveau. Ou peut-être aurais-je fait un choix radicalement différent… qui sait ! »

Pas de vocation contrariée ?

« Absolument pas. Mes aspirations, juste travailler et si possible pouvoir « barouder ». Comme tous les membres de la préfectorale, j’ai beaucoup bougé, donc en un sens mes aspirations d’enfant ont trouvé à se réaliser ! J’ai commencé mes stages à Charleville-Mézières avant d’aller à Bordeaux. Mes fonctions m’ont ensuite amenée à travailler en Saône-et-Loire, dans le Val–de-Marne, puis en Bretagne… Pour ma mobilité, ce fut la Cour des comptes européenne à Luxembourg. Puis à Metz, pour le premier de mes trois séjours lorrains. J’ai accompagné Philippe Séguin aux affaires sociales et dirigé son cabinet à la Présidence de l’Assemblée nationale.  Je n’oublie pas les missions d’aménagement du territoire, les zones urbaines sensibles, ni la sous-préfecture de Dieppe. Avant de rejoindre la Cour de comptes, j’ai exercé les fonctions de secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, déjà riche de mon expérience de préfète du Tarn-et-Garonne, de Lorraine et de Bretagne. »

Si vous pouviez reprendre un poste que vous avez occupé durant votre carrière, lequel serait-ce ?

« Le contexte a énormément changé. Si l’on pouvait les replacer dans le contexte de l’époque, ce seraient mes fonctions de secrétaire générale pour les affaires régionales de Lorraine de 1983 à 1986.  Elles m’ont plongée dans une situation extraordinaire : celle d’une région et d’une population qui étaient en train de changer de monde. La région était structurée depuis des années par ses activités industrielles : sidérurgie, charbonnages, textile. Du berceau à la tombe les gens appartenaient au monde de leur entreprise : ils étaient Houillères, Boussac, Wendel et autres. Des restructurations avaient déjà été engagées sous le gouvernement Barre. Mais elles ont été stoppées avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand qui avait promis la relance de la production d’acier et de charbon. Deux ans après, les promesses se sont heurtées au mur de la compétitivité. A l’enthousiasme a succédé le désenchantement. J’ai pris mes fonctions au moment où le débat s’ouvrait sur la manière de se sortir de cette situation. C’était  une véritable reconfiguration sociale qu’il fallait penser ; un changement de vie que la population n’imaginait sûrement pas ! »

Un souvenir marquant de votre scolarité…

« Je l’ai trouvée intéressante, tant par les stages que par les conférences et travaux dirigés mobilisant des intervenants de grande qualité et très divers. Il faut dire que j’avais fait mes études à Rennes et que quelques mois à Sciences po. Paris n’avaient pas suffi à me familiariser avec la haute administration et les penseurs en vogue. J’avais pu le constater à l’oral d’entrée : ignorant tout des membres du jury, je ne partageais pas la fébrilité de certains camarades qui pouvaient spéculer sur leurs attentes. C’était avant internet.»

Si vous pouviez vivre dans un autre pays ?

« Ce serait la Grèce. J’aime le pays, ses habitants, ses paysages, sa langue, sa littérature, sa poésie, ses chansons. J’aime ses villes notamment Salonique dont j’ai eu la chance de fréquenter l’université. Mais mon port d’attache reste la Bretagne : je suis de ces Bretonnes et Bretons qui ne séparent pas dans leur cœur leur petite et leur grande patrie.»

Source : http://blog-aaeena.org/portraits/les-alumni-et-le-corps-prefectoral/bernadette-malgorn