Bernadette Malgorn | Le blog personnel

Discours de politique générale de Bernadette Malgorn lors de la session budgétaire de février 2012

Bernadette MalgornMonsieur le Président, Chers Collègues,

Le budget que vous présentez à notre assemblée ignore la situation économique mondiale et européenne et ne fixe pas les orientations stratégiques dont la Bretagne a besoin.

Vous avez cependant évoqué vous-même, Monsieur le président, la décision majeure que le gouvernement vient de prendre en labellisant le projet B-Com. Il sera soutenu à hauteur de 130M€ et permettra de créer plusieurs milliers d’emplois. Ce qui prouve qu’en dépit de ce que prévoit votre budget, une stratégie d’avenir, volontariste et porteuse d’emplois est possible. Bruno Chavanat y reviendra dans un instant.

Vous appelez Molière à la rescousse de vos diatribes anti-gouvernementales. Diatribes auxquelles vous êtes contraint d’apporter quelques bémols pour rendre hommage aux initiatives gouvernementales majeures comme les investissements d’avenir en vers lesquels vous n’avez pu vous empêcher d’émettre quelque réserves ou pour l’Etablissement public foncier, établissement public d’Etat, porteur des politiques gouvernementales notamment en faveur du logement, et dont j’ai l’honneur d’être vice-présidente aux côtés d’autres collègues de cette assemblée.

Relisez aussi Shakespeare dans « Le songe d’une nuit d’été » : « Il ne suffit pas de parler. Il faut parler juste ». Pour parler juste, en temps de crise, il faut agir avec courage. Votre budget ne cherche pas à surmonter les difficultés mais à les esquiver. C’est la voie de la facilité qui prévaut une nouvelle fois.

Nous le disons depuis deux ans, la crise internationale ne s’est pas arrêtée aux portes de la Bretagne. Faute d’avoir anticipé et fait des choix, vous agitez ce fameux effet de ciseaux dont vous avez vous-même affûté les deux lames. Vous avez bradé nos ressources et saupoudré les dépenses. Votre réponse aujourd’hui, c’est l’augmentation des impôts sous la menace de mise en cause, je cite de «certaines politiques du développement (du) territoire » c’est dans le rapport.

Nous avons exprimé clairement notre refus de ces nouveaux impôts. Nous montrerons que l’on peut boucler ce budget – et les suivants – sans augmentation d’impôts et sans porter atteinte au développement régional bien au contraire.

Depuis 2004, nous traînons les conséquences de votre discours sur le budget régional : je dis votre discours car je ne veux pas croire que c’était votre véritable diagnostic. Selon vous, la région était surendettée et sous-administrée. Alors que son endettement était inférieur à la moyenne nationale et que son administration était tout à fait efficace et de grande qualité.

A mauvais diagnostic, mauvais remède. Vous avez remboursé les emprunts au moment où l’argent était abondant et pas cher au lieu d’investir. Vous avez multiplié les structures administratives périphériques coûteuses qui doublonnent et brouillent les responsabilités de l’administration régionale.

Aujourd’hui, nous serons bien sûr d’accord pour investir puisque le financement de la LGV est l’un des points forts de notre budget avec 129M€ soit 10% de notre budget.

La phase 1 Le Mans-Rennes est désormais une réalité. Nous y avons apporté notre soutien et continuerons à le faire. En revanche, votre budget laisse planer des inquiétudes sur la réalisation de la phase 2 et tout particulièrement sur la liaison à grande vitesse Rennes/Brest. On nous annonce en effet la restitution dans le courant de l’année de l’étude de faisabilité technique et environnementale de sections de lignes nouvelles. Seule solution pour atteindre le parcours cible des 3 heures. Puis un débat public en 2013, tout en avertissant je cite « qu’il conviendra que l’Etat précise son ambition sur cette opération et mobilise les crédits nécessaires pour conduire à bonne fin ce projet d’envergure ». Si vous voulez vraiment mettre Brest et Quimper à moins de 3 heures de Paris, il ne suffit pas se mettre à la remorque de l’Etat. Il faut mettre le paquet sur la table.

Si la branche sud paraît se dessiner en se raccrochant au projet Rennes/Nantes, la branche nord semble plus indécise.

L’ambition de mettre Brest à 3 heures de Paris n’était-elle pas avant tout une ambition bretonne ? Insidieusement, vous êtes en train de nous expliquer que cette ambition partagée par toutes les forces vives bretonnes serait conditionnée à la volonté de l’Etat. Ce rétropédalage nous inquiète quant à votre réelle volonté de voir aboutir ce projet.

Nous n’avons pas été dupes de votre affichage des 3h08. Vous n’allez pas nous refaire le coup de la pendularisation. Vous commencez dans ce rapport à distiller des prétextes technico-techniques qui demain vous permettront de justifier l’abandon de notre ambition.

J’en prends pour preuve vos propos ambigus sur la désaturation de la gare de Rennes et le passage des trains à 90km/h, véritable moyen de gagner des minutes précieuses entre Rennes Brest et Quimper. D’une part, on ne connaît toujours pas à quelle échéance le projet V90 sera mis en œuvre et d’autre part votre rapport évoque une mise en cause de sa réalisation.

La conjonction de ces éléments renforce nos inquiétudes quant à votre volonté de mettre les moyens pour que Brest soit à 3 heures de Paris, objectif indispensable au rééquilibrage Ouest/Est.

La lecture du rapport sur le TER est aussi éclairante. Je cite « Une des fortes attentes des usagers du train est de bénéficier de matériel roulant rapide, fiable et confortable. Equation difficile à résoudre lorsque l’on connaît l’état dans lequel se trouvait le parc de matériel dont ont hérité les régions en 2002 ».

Face à ce constat, vous oubliez deux choses. Un : c’est la loi SRU de décembre 2000 du gouvernement Jospin qui a transféré le ferroviaire aux régions avec le matériel dans cet état. Deux : c’est votre prédécesseur qui, de manière très réactive, a emprunté dès 2003 pour renouveler le parc du matériel roulant avec l’achat des premières rames neuves. Etait-ce une erreur d’investir massivement dans le ferroviaire en 2003 ? Certes non. Aujourd’hui, l’âge moyen du parc est de 10 ans pour un matériel dont la durée de vie est de 40 ans. On peut se poser la question de savoir si, en pleine période de crise, les investissements que vous envisagez pour acquérir des rames tout confort avec des places de 1ère classe, sont vraiment la priorité des priorités et ne devraient pas être étalés dans le temps.

Plus généralement et votre rapport le montre, il y a de plus en plus d’interconnexions entre les différents modes de transports : transports scolaires, transports domicile-travail, longues distances qui mobilisent LGV, TER, transports routiers, transports aériens sans oublier les liaisons avec les îles et plus particulièrement la ligne aérienne avec Ouessant dont la pérennité est menacée.

Nous avons arrêté en 2008 conformément à la loi un Schéma régional multimodal des déplacements et des transports. Au moment où la réforme territoriale invite à des coopérations accrues entre différents niveaux de collectivités et où nous allons aborder le débat public sur la LGV Rennes-Brest / Rennes-Quimper et Rennes-Nantes, il importe d’actualiser cette stratégie de déplacements et le cas échéant de proposer une expérimentation dans laquelle les priorités bretonnes trouveraient leurs places et leurs financements. Nous avons la conviction que le développement des territoires bretons repose sur deux piliers indissociables : des modes de transports adaptés et innovants et l’accès au Très haut débit pour tous.

Notre forte ambition ferroviaire n’empêche pas le budget régional sans augmentation d’impôts de soutenir le développement du territoire breton : mais c’est à ce crible le développement du territoire, le développement de l’économie et de l’emploi qu’il faut passer en revue toutes nos interventions.

Or, votre budget n’adapte pas nos actions aux besoins de l’économie bretonne et n’opère aucun choix pour se concentrer sur le développement du territoire breton. Vous préférez distribuer les subventions à tout vent en privilégiant les structures budgétivores aux acteurs de terrain qui créent de la richesse en Bretagne.

Quelques exemples. La mission II qui concerne l’économie voit ses crédits baisser régulièrement depuis trois ans et cette année encore de 2,93%. L’innovation, facteur de la compétitivité de nos entreprises, voit son budget régresser de 3,35%. Le budget de la création et la transmission d’entreprises baisse de 17%, alors que nos PME/PMI concentrent un emploi sur cinq et que plus de 2 000 PME représentant 40 000 emplois sont aujourd’hui en phase de transmission. Où en est votre soi-disant volontarisme industriel ?

Autre exemple : la Nouvelle alliance pour l’agriculture : 1,2M€ supplémentaires dont près de la moitié au chapitre de la lutte contre les algues vertes. C’est bien votre tarif d’une opération de Com et non pas d’une nouvelle politique.

Chacun se réjouit des nouvelles perspectives ouvertes en Bretagne notamment grâce aux Investissements d’avenir mis en œuvre par le gouvernement. Dans votre budget, les crédits de recherche baissent de 2,63%.

Venons-en à vos choix fiscaux. Nous ne sommes pas contre l’impôt. Nous avons voté l’essentiel des recettes du budget régional. Mais après l’augmentation au niveau maximum de la TIPP votée en octobre, c’est encore sur les automobilistes que vous cognez en augmentant de 28% la Taxe sur les cartes grises la faisant passer de 36€ à 46€ par CV soit pour une voiture de 5CV, 236,50 € nous plaçant ainsi dans le tiercé des régions les plus taxées de France. Vous cognez les particuliers, mais votre décision impacte aussi les entreprises et notamment les professionnels de l’automobile qui constituent l’un des socles de nos emplois industriels.

Et qu’apprend-on par la presse ? Vous voulez instituer une Taxe transport régionale sur toutes les entreprises de la région pour engranger 40M€ de plus. Au moment où les forces vives de la région ont fait reconnaitre par le gouvernement la spécificité périphérique de la Bretagne en l’exonérant partiellement de l’Ecotaxe, voilà que vous faites fi de la géographie particulière de notre région en surtaxant le transport alors même que la région se trouve confrontée aux défis logistiques. Le pouvoir fiscal que vous réclamez au bénéfice des régions, c’est toujours plus d’impôts de façon aveugle sur les familles et les entreprises.

Or, on peut boucler ce budget sans augmentation d’impôts et en soutenant le développement régional. On peut faire des économies pour trouver les 22M€ de la hausse sur les cartes grises ponctionnés sur les familles et demain les 40M€ du Versement transports à payer par les entreprises.

Et ne nous dites pas que des économies ne sont pas possibles, je vais vous donner quelques pistes que mon collègue Bernard Marboeuf détaillera ensuite.

  • A commencer par respecter vos propres engagements électoraux et suspendre notre adhésion au Syndicat mixte de financement de l’aéroport Notre-Dame des Landes avec 2,6M€ par an.
  • Ensuite, respecter le vote de notre assemblée de nous retirer du Syndicat mixte de la Baie du Mont Saint-Michel et arrêter les financements puisqu’il ne respecte pas le contrat : 1,7M€.
  • Récupérer également les 50% de la part de TIPP Grenelle, impôt régional consacré à la LGV, dont vous avez fait cadeau aux collectivités (soit 17,4M€) alourdissant la charge de la Région.
  • Laisser la région Ile-de-France financer l’interconnexion sud de Massy-Valenton : 6,7M€.

Par ailleurs, il faut détricoter l’écheveau des structures périphériques qui viennent parasiter le bon fonctionnement de l’administration régionale. D’ailleurs, le représentant de la CFDT au CESER a noté que « l’externalisation croissante de l’action régionale dans des agences ne va pas dans le sens d’une lecture facilitée et du suivi des actions engagées ». Externaliser certaines missions, pourquoi pas ? Mais est-il raisonnable de maintenir au sein de la région un service économique alors que vous avez créé à grands frais BDI qui mériterait d’ailleurs d’être fusionnée avec Bretagne international. Ou de gonfler un Comité Régional du Tourisme dont les effectifs explosent tout en maintenant une direction du tourisme dans les services. Les 22 postes supplémentaires que vous vous voulez créer pourraient être ainsi pourvus par redéploiement. Nous ne voterons pas ces emplois.

Voilà, chers collègues, une autre gestion possible de notre budget et de notre collectivité. Une gestion d’avenir pour la Bretagne.

Je vous remercie.

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Lire les articles de presse correspondant : Le Télégramme, Ouest-France(1), Ouest-France(2)
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